Marche pour le climat du 3 septembre 2022

« Nous avançons comme des somnambules vers la catastrophe climatique »
Antonio Gueterres, Secrétaire général de l’ONU, 21 mars 2022

Introduction - Un problème systémique

Depuis le début de l’ère industrielle, nous dégradons continuellement notre environnement, malgré la conscience aujourd’hui plus largement répandue des conséquences catastrophiques sur le vivant dont nous faisons partie. Il s’agit d’un problème systémique dont la résolution passe nécessairement par un changement de cap radical. Les équilibres naturels sont dépassés par la pression des activités humaines et c’est tout le système Terre qui bascule.

La finitude de notre monde n'est toujours pas prise en compte dans le fonctionnement de nos sociétés. L’exploitation est la norme, tout comme la production de déchets et l’émission de gaz à effet de serre. Des espaces grouillants de vie sont transformés en dalles de béton ou en déserts.

Il ne suffira pas d’actions ponctuelles ou cloisonnées par domaine pour éviter l’effondrement de nos conditions de vie. Seul un réel changement de cap, profond, conscient des limites et empli de la joie d’évoluer dans un monde vivant nous permettra d’assurer une vie digne à nos enfants, partout dans le monde.

Nous constatons aujourd’hui un discours climatique omniprésent, mais sans prise de conscience de la nécessité d’actions fortes et urgentes ni de l’aspect systémique des défis écologiques. Nos responsables politiques pensent agir de manière proportionnée et, en le communiquant, nous font croire que la situation est sous contrôle. Malheureusement, c'est faux !

Chacun·e doit à présent se responsabiliser. Les « plans climat » doivent être notre préoccupation première, à tous niveaux, à tous échelons : chaque individu, couple, famille ; chaque copropriété, quartier, hameau, village ; chaque PME, service administratif, coopérative ou association devrait avoir son plan climat. À plus forte raison, chaque commune, chaque association intercommunale, chaque canton devrait avoir le sien ! Ainsi que – bien entendu – la Confédération, les banques, les grandes entreprises, et les multinationales. Enfin, ces « plans climat » doivent être élargis à tous les aspects de la destruction du vivant et intégrer la justice sociale et écologique.

Malgré la nécessité d’une pensée systémique et globale, par souci de clarté, nous détaillons ci-après et isolément quelques problèmes majeurs, sans la moindre prétention d’exhaustivité.


1. Les émissions de gaz à effet de serre

Jamais encore la Terre n’avait connu de modification aussi brutale du climat planétaire. La relative stabilité des températures qui a eu cours pendant dix mille ans et a permis le développement de l’agriculture est mise à mal depuis quelques dizaines d’années.

Alors qu’un consensus scientifique inédit dans l’Histoire pointe les causes et les conséquences du dérèglement climatique, l’extraction du charbon, du pétrole et du gaz augmente sans cesse. Par exemple, dans le canton de Vaud les émissions s’élèvent à plus de 15 tonnes par habitant·e et ne baissent quasiment pas.

Compte tenu de la forte empreinte carbone de la Suisse (émissions historiques, insuffisance des politiques récentes, place financière émettant vingt fois plus de gaz à effet de serre que ses habitant·es), nous voulons aller au-delà des objectifs minimaux de l’accord de Paris. Si l’on se contente de les suivre, les catastrophes les plus graves – que l’on voit déjà pointer aujourd’hui – seront probablement inévitables.

L’été 2022 nous démontre que le changement climatique n’est pas une menace lointaine, mais un phénomène actuel, y compris en Suisse : hausse des températures avec canicules à répétition, sécheresse et feux de forêt. Avec les conséquences sur lasanté des plus fragiles , sur notre approvisionnement énergétique ou encore sur notre agriculture.

Le respect des Accords de Paris signifierait qu’en 2030, on émettrait 50 ou 60 % de gaz à effet de serre en moins. Dans huit ans. Il faudrait donc supprimer toutes les émissions importées, ou alors supprimer totalement toutes les émissions en Suisse et retirer simultanément plusieurs tonnes de CO2 par habitant et par année de l’atmosphère. Où sont les plans sérieux pour atteindre cet objectif, pourtant minimal ?

Nous exigeons des plans réalistes, qui montrent clairement comment la vie s’organisera bientôt sans énergies fossiles.

Interdictions, réglementations, taxes ou incitations ? Cela doit être décidé de manière citoyenne, mais en tout cas aboutir à un changement d’organisation de la société dans le sens de la justice sociale.

2. La destruction de la biodiversité

Nous dépendons de la santé des écosystèmes planétaires. Les scientifiques du monde entier nous alertent depuis des décennies, et pourtant, les rares mesures prises ne sont pas à la hauteur des enjeux. La vie se meurt et nous continuons de polluer, détruire ou morceler des écosystèmes pour notre expansion ou notre confort. Chaque jour, de nouvelles espèces sont exterminées et disparaissent à jamais, en Suisse comme presque partout ailleurs.

Nous ressentons aujourd’hui les effets de cette destruction du vivant dans notre santé et celle de nos enfants. Cancers causés par la chimie dont nous saturons nos sols et épidémies dues à la déforestation en sont seulement deux exemples bien réels et actuels.

Nous devons revoir notre rapport au vivant et notre place dans celui-ci ! Nous devons nous responsabiliser et prendre des mesures drastiques, aussi bien au niveau privé que communal, cantonal et fédéral. Il n’est pas trop tard: certains écosystèmes peuvent encore être sauvés et d’autres peuvent se régénérer !

Nous exigeons que les « plans climat » s’élargissent en intégrant l’arrêt immédiat de la destruction et du morcèlement des écosystèmes ainsi que la prise de mesures fortes visant leur régénération.

Nous exigeons l’arrêt dans les délais les plus brefs de l’épandage de pesticides et d’herbicides sur notre nourriture, dans nos sols et dans nos eaux.

3. Une société à redéfinir

La destruction du système Terre est la conséquence de nos modes de vie, de notre façon d’appréhender le vivant et de nous comporter avec lui comme entre nous. Notre société patriarcale, consumériste et anthropocentrée doit maintenant prendre un tournant majeur. 

Consommation

Nous avons acquis un confort jamais égalé au cours de l’histoire, grâce aux énergies fossiles, si bien qu’un retour en arrière semble impossible tant ce confort est addictif. Aujourd’hui, certaines limites planétaires sont dépassées et d’autres le seront bientôt.

Savons-nous encore distinguer nos besoins de nos envies  ? La consommation tient-elle ses promesses de bonheur  ? Il est grand temps de se poser ces questions avant que le système Terre ne nous impose des frustrations insoutenables. Recycler ne suffit plus. Nous devons mettre un frein immédiat à notre consommation et intégrer un changement de valeurs de notre société.

À la place d’une consommation frénétique, nous voulons valoriser le partage, l’épanouissement dans nos relations aux autres et au vivant, sans oublier les voyages proches, sources de vraies découvertes. La seule issue à l’impasse dans laquelle nous nous trouvons consiste à créer une économie post-capitaliste, permacirculaire, basée sur le bien-être et l’utilisation consciente et raisonnée des ressources terrestres ainsi que sur le respect du vivant.

Nous exigeons qu’une politique de sobriété fasse partie intégrante de tous les « plans climat ».

Souveraineté 

Souveraineté énergétique

Plus que jamais, notre approvisionnement en énergie est menacé. Les projets d’augmentation de la part des énergies vertes sont insignifiants par rapport à l'appétit de notre société d’abondance et notre consommation effrénée.

Une Suisse souveraine en matière énergétique serait plus sûre, et elle nous éviterait aussi de soutenir des régimes autocratiques, ce que nous faisons aujourd’hui à coup de milliards !

 
Nous exigeons un plan viable, conséquent et responsable visant la souveraineté énergétique, basé en premier lieu sur la sobriété des institutions, des entreprises et de chacun·e, sans remettre en question les acquis sociaux et les besoins de base pour une vie saine de tous les êtres vivants.

Souveraineté alimentaire

Avoir accès à une nourriture saine est un besoin primaire. Sans cela, nous mourons. Nous sommes extrêmement dépendants des importations, notamment car notre agriculture fait la part belle à l’élevage, qui consomme beaucoup de ressources et d’espace. Nous devons accepter que la viande et les produits laitiers redeviennent moins courants et devons développer massivement les cultures de protéines végétales. Garder tout l’espace possible pour la culture végétale est essentiel, dans un monde où les importations ne seront plus garanties. Aujourd’hui, le GIEC lui-même recommande une profonde mutation de notre agriculture allant dans le sens de l’agro-écologie.

 
Nous exigeons la mise en place d’un plan ambitieux et renforçant la protection des écosystèmes, afin d’assurer notre autonomie alimentaire à hauteur de 80 %. Ce projet doit passer par une réduction massive de l’élevage et de la production laitière. Il doit être planifié et exécuté en pleine collaboration avec les milieux agricoles ainsi qu’avec les filières de production et de distribution.

Patriarcat et inégalités 

Nous voulons d’un monde qui renonce à toute violence et domination, car ces oppressions ont les mêmes causes que l’exploitation de la planète, de ses richesses et de la vie qui la peuple.

Les inégalités sont partout et le plus souvent en augmentation. Nous voulons une société plus juste ; une société dont la seule valeur n’est pas la rentabilité. Nous voulons d’un monde où les différences n'ont rien d'excluant.

Nous exigeons que les « plans climat » s’élargissent en intégrant la notion de justice sociale et écologique.

Éducation, formation et travail 

Les enfants représentent l’avenir de notre société. Il est du devoir des adultes de préparer pour eux une société résiliente, capable d’absorber au mieux les chocs de demain.

Nous voulons d’une école connectée au vivant, misant sur le collectif tout en épanouissant l’individu. Nous voulons des filières de formation en relation avec les défis du futur plutôt qu’avec les illusions d’hier.

Nous voulons un monde où la valeur travail baisse au profit des valeurs sociales et environnementales ; un monde qui concrétise – par exemple – le partage du travail, le revenu de base inconditionnel ou le service citoyen.

Nous exigeons des programmes scolaires et des filières de formation qui intègrent pleinement la nature et le vivant, et qui anticipent les chocs de demain.

Nous exigeons une réflexion profonde et citoyenne de notre système de travail, débouchant sur des solutions viables dans une société post-capitaliste.

Système politique

Notre système démocratique, bien qu'admirable, n’est pas parfait. Le financement obscur des partis politiques et des campagnes, le faible taux de participation, la force démesurée de certains lobbys et la nécessité de plaire pour les prochaines élections orientent les responsables vers une vue à court terme.

Pour bonifier notre démocratie, les assemblées citoyennes nous semblent être la meilleure voie à suivre.

Les assemblées citoyennes font partie des outils de la démocratie délibérative. Il s’agit d’un processus par lequel la population participe directement à l’élaboration de décisions politiques sur des sujets d’intérêt public, par exemple la justice climatique et sociale. Les personnes qui siègent dans cet organe politique temporaire, aux côtés du parlement et du gouvernement, sont choisies par tirage au sort afin de constituer un panel représentatif de la société. Au cours de cette mission, les participant·es s’informent en profondeur sur les sujets à traiter, écoutent des spécialistes et diverses parties prenantes. Puis elles et ils délibèrent collectivement et formulent des recommandations et/ou décisions légalement contraignantes, à mettre en œuvre par les autorités.

Nous exigeons que les responsables politiques (aux niveaux local, cantonal et fédéral) créent des assemblées citoyennes dotées de pouvoirs décisionnels. Cela permettrait à la population de peser réellement sur les politiques liées à la sortie de la crise écologique et d’amener davantage de justice sociale, ainsi que d’occuper l’espace public et citoyen.

Conclusion

Les changements nécessaires dépassent largement les mesures ponctuelles, cloisonnées et modestes planifiées actuellement. C’est pourquoi les plans de transition doivent absolument prendre la forme de plans de transformation, intégrant en premier lieu des changements à portée systémique. Nous devons les élaborer de manière citoyenne.

La mise en œuvre des changements que nous exigeons doit être très rapide, sans quoi la situation catastrophique actuelle ne fera que s’empirer.

Nous sommes toutes et tous responsables, puisque chacune et chacun doit faire sa part de la transformation. Mais certaines personnes ont une responsabilité plus forte encore et doivent enfin agir avec d’autant plus de courage et de détermination: personnes fortunées, dirigeant·es d’entreprises, élu·es...

Nous exigeons que les nouveaux plans à la hauteur des enjeux soient prêts d’ici fin 2022. C’est-à-dire maintenant !

Aux responsables: nous vous regardons !

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